Les réseaux sociaux sont devenus pour certain.es, le lieu idéal pour répandre leurs idées haineuses. Après plusieurs scandales sur le web et face au désarroi des victimes, le législateur se devait d'apporter une réponse. Sauf que cette réponse est tout sauf appropriée. Cette initiative s'est transformé en un acte manqué. Comme trop souvent. L'occasion était pourtant belle pour combattre la haine sur Internet.
Haine sur Internet
Introduction
Si lutter contre la haine sur Internet est plutôt une bonne idée au départ, force est de constater que cette loi ne répond pas du tout au problème soulevé. Bien au contraire. Comment en est-on arrivé à ce gâchis ?
Février 2019. Notre Secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, présente un plan d'action afin de lutter contre les contenus haineux en ligne.
Pas besoin d'être Prix Nobel de droit (ok, ça n'existe pas ^^) pour se rendre compte que ce plan d’action n'est qu'une liste de mesurettes sans envergures. On est très loin d'une vraie stratégie et d'avoir une vision claire pour Internet. Plus grave, je considère que ce projet méprise totalement le fondement de l'anonymat et la liberté d’expression car il permettra de généraliser la censure automatisée et renforcera ni plus ni moins le fichage généralisé des internautes au mépris flagrant du droit européen.
L'une des mesures phares mise en avant par le gouvernement est de contraindre les plateformes à supprimer un contenu haineux en moins de 24 heures sous peine d'une amende pouvant représenter 4% de son chiffre d'affaires. Si imposer cette suppression peut sembler une bonne idée de prime abord, dans les faits c'est tout le contraire qui se produira puisqu'une victime ne pourra plus se défendre si ce contenu haineux est supprimé ! Les forces de l'ordre n'auront alors plus aucun moyen d'y accéder et de remonter jusqu'au coupable.
Dépublier un contenu, ce n'est pourtant pas très compliqué à mettre en place !
Enfin, s'il est sympathique de vouloir faire participer des associations à l’écriture des règles de modérations des principales plateformes, il ne faut surtout pas perdre de vue que rien n’est prévu dans ce texte plus que conciliant pour rendre ces plateformes responsables des censures abusives qu’elles s’autorisent.
Ne vous y trompez pas, cette loi contre la haine ne prévoit rien de vraiment efficace (sauf pour nous fliquer encore plus) et réchauffe ce qui existe déjà depuis 15 ans.
La chasse à l'anonymat.
Le droit à l'anonymat est le même dans le monde réel que dans le monde virtuel. C'est à dire que tant que vous n'avez pas commis d'infraction, vous n'avez pas besoin de révéler votre identité. En pointant du doigt les seuls aspects négatifs de l'anonymat (harcèlement, injures racistes, antisémites, homophobes, etc.), la Loi Avia occulte complétement ses aspects positifs. Comment les lanceurs d'alerte pourraient dénoncer les illégalités commises par les administrations et les entreprises sans anonymat ? Comment lutter contre les discriminations sans donner la possibilité à tous de s'exprimer et d'être entendu, quelque soit son sexe, son origine et son âge ?
Alors oui, il est nécessaire de consacrer des moyens importants pour identifier les coupables d'infractions en ligne mais cela ne doit pas autoriser les Etats à verrouiller et à fliquer Internet soit disant "pour notre bien". La tentation de la dérive sécuritaire est forte depuis le 11 septembre mais ce modèle absolutiste ne réglera pas le fond du problème qui est purement structurel. En effet, les réseaux sociaux ont basé leurs modèles sur la captation de l'attention et la viralité en mettant en avant des contenus pouvant être partagés et capable de susciter le plus de réactions possibles. Ajoutez à cela un sentiment d'impunité pour les haters étant cachés derrière leurs écrans. C'est ainsi que les messages extrêmes se retrouvent favorisés dans les fils d'actualité.
En remettant en cause la manière dont les réseaux sociaux collectent et traitent les données des internautes sans respecter leur consentement, on pourrait surement lutter plus efficacement contre ces contenus haineux. Face aux géants du Web, il faut être ferme et strict sur l'application des lois déjà existantes.
Une solution pourrait être de rattacher un pseudonyme à une identité réelle. Cela permettrait d'encadrer l'anonymat mais sans l'annihiler car il est indispensable de le protéger. Dès lors qu'une personne tiendrait des propos illicites, il serait plus simple de la retrouver et de la condamner. Il serait également plus facile de contraindre les plateformes de suspendre le/les comptes du coupable. On voit bien alors qu'obliger de rattacher ses identités réelles et virtuelles aurait un effet dissuasif et permettrait de lutter contre les propos haineux sur Internet tout en respectant les libertés individuelles.
Quelques repères
92% des contenus sexistes signalés sur les réseaux sociaux ne sont pas supprimés par les plateformes.
4 755 signalements pour injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires ont été reçus en 2017 sur Internet-signalement.gouv.fr
L'auteur.e d'un harcèlement en ligne sur majeur encourt une peine de 2 ans de prison et 30 000€ d'amende.
Commencer par faire appliquer les lois existantes.
La loi pour la confiance dans l'économie numérique (21 juin 2004) impose déjà aux intérmédiaires, réseaux sociaux, hébergeurs, etc. de conserver les traces de connexion à leurs services durant un an et de les communiquer à la justice en cas de réquisition judiciaire. On a déjà une partie de la solution du problème mais faute de courage politique, ce volet de la loi n'est pas appliquée. La loi Avia démontre encore une fois qu'il est plus simple de discuter de l'anonymat sur Internet pour se faire mousser que de faire appliquer les textes déjà existants.
La preuve: en octobre 2012, des messages antisémites sont massivement publiés sur Twitter. Malgré les demandes pressantes de nombreuses associations de communiquer les données permettant d'identifier les auteur.es, Twitter refuse en se retranchant derrière l'argument qu'il n'est pas soumis à la loi française. Du coup, pas de poursuites. C'est l'indignation massive du public qui fera plier Twitter qui finira par retirer les messages antisémites.
Contrairement aux américains, nous autres européens percevons ces messages de haine comme des atteintes à l'ordre publique et à l'intégrité physique. Par ailleurs, les grands groupes comme Twitter, Facebook, Google et autres, disposent d'un quasi-monopole sur les médias numériques et leur puissance financière est telle qu'elle leur permet d'imposer leurs visions juridiques aux Etats. Ce que craignent par dessus tout ces grandes entreprises, ce ne sont pas le juge ou la peine encourue, c'est le bad buzz, c'est à dire l'atteinte à leur réputation. N'oublions jamais qu'Internet nous a donné ce pouvoir que nous pouvons et devons exercer.
Haine sur Internet: ressources sur le sujet
site web
Les réseaux sociaux sont devenus pour certain.es, le lieu idéal pour répandre leurs idées haineuses. Après plusieurs scandales sur le web et face au désarroi des victimes, le législateur se devait d'apporter une réponse. Sauf que cette réponse est tout sauf appropriée. Cette initiative s'est transformé en un acte manqué. Comme trop souvent. L'occasion était pourtant belle pour combattre la haine sur Internet.
Haine sur Internet
Introduction
Si lutter contre la haine sur Internet est plutôt une bonne idée au départ, force est de constater que cette loi ne répond pas du tout au problème soulevé. Bien au contraire. Comment en est-on arrivé à ce gâchis ?
Février 2019. Notre Secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, présente un plan d'action afin de lutter contre les contenus haineux en ligne.
Pas besoin d'être Prix Nobel de droit (ok, ça n'existe pas ^^) pour se rendre compte que ce plan d’action n'est qu'une liste de mesurettes sans envergures. On est très loin d'une vraie stratégie et d'avoir une vision claire pour Internet. Plus grave, je considère que ce projet méprise totalement le fondement de l'anonymat et la liberté d’expression car il permettra de généraliser la censure automatisée et renforcera ni plus ni moins le fichage généralisé des internautes au mépris flagrant du droit européen.
L'une des mesures phares mise en avant par le gouvernement est de contraindre les plateformes à supprimer un contenu haineux en moins de 24 heures sous peine d'une amende pouvant représenter 4% de son chiffre d'affaires. Si imposer cette suppression peut sembler une bonne idée de prime abord, dans les faits c'est tout le contraire qui se produira puisqu'une victime ne pourra plus se défendre si ce contenu haineux est supprimé ! Les forces de l'ordre n'auront alors plus aucun moyen d'y accéder et de remonter jusqu'au coupable.
Dépublier un contenu, ce n'est pourtant pas très compliqué à mettre en place !
Enfin, s'il est sympathique de vouloir faire participer des associations à l’écriture des règles de modérations des principales plateformes, il ne faut surtout pas perdre de vue que rien n’est prévu dans ce texte plus que conciliant pour rendre ces plateformes responsables des censures abusives qu’elles s’autorisent.
Ne vous y trompez pas, cette loi contre la haine ne prévoit rien de vraiment efficace (sauf pour nous fliquer encore plus) et réchauffe ce qui existe déjà depuis 15 ans.
La chasse à l'anonymat.
Le droit à l'anonymat est le même dans le monde réel que dans le monde virtuel. C'est à dire que tant que vous n'avez pas commis d'infraction, vous n'avez pas besoin de révéler votre identité. En pointant du doigt les seuls aspects négatifs de l'anonymat (harcèlement, injures racistes, antisémites, homophobes, etc.), la Loi Avia occulte complétement ses aspects positifs. Comment les lanceurs d'alerte pourraient dénoncer les illégalités commises par les administrations et les entreprises sans anonymat ? Comment lutter contre les discriminations sans donner la possibilité à tous de s'exprimer et d'être entendu, quelque soit son sexe, son origine et son âge ?
Alors oui, il est nécessaire de consacrer des moyens importants pour identifier les coupables d'infractions en ligne mais cela ne doit pas autoriser les Etats à verrouiller et à fliquer Internet soit disant "pour notre bien". La tentation de la dérive sécuritaire est forte depuis le 11 septembre mais ce modèle absolutiste ne réglera pas le fond du problème qui est purement structurel. En effet, les réseaux sociaux ont basé leurs modèles sur la captation de l'attention et la viralité en mettant en avant des contenus pouvant être partagés et capable de susciter le plus de réactions possibles. Ajoutez à cela un sentiment d'impunité pour les haters étant cachés derrière leurs écrans. C'est ainsi que les messages extrêmes se retrouvent favorisés dans les fils d'actualité.
En remettant en cause la manière dont les réseaux sociaux collectent et traitent les données des internautes sans respecter leur consentement, on pourrait surement lutter plus efficacement contre ces contenus haineux. Face aux géants du Web, il faut être ferme et strict sur l'application des lois déjà existantes.
Une solution pourrait être de rattacher un pseudonyme à une identité réelle. Cela permettrait d'encadrer l'anonymat mais sans l'annihiler car il est indispensable de le protéger. Dès lors qu'une personne tiendrait des propos illicites, il serait plus simple de la retrouver et de la condamner. Il serait également plus facile de contraindre les plateformes de suspendre le/les comptes du coupable. On voit bien alors qu'obliger de rattacher ses identités réelles et virtuelles aurait un effet dissuasif et permettrait de lutter contre les propos haineux sur Internet tout en respectant les libertés individuelles.
Quelques repères
92% des contenus sexistes signalés sur les réseaux sociaux ne sont pas supprimés par les plateformes.
4 755 signalements pour injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires ont été reçus en 2017 sur Internet-signalement.gouv.fr
L'auteur.e d'un harcèlement en ligne sur majeur encourt une peine de 2 ans de prison et 30 000€ d'amende.
Commencer par faire appliquer les lois existantes.
La loi pour la confiance dans l'économie numérique (21 juin 2004) impose déjà aux intérmédiaires, réseaux sociaux, hébergeurs, etc. de conserver les traces de connexion à leurs services durant un an et de les communiquer à la justice en cas de réquisition judiciaire. On a déjà une partie de la solution du problème mais faute de courage politique, ce volet de la loi n'est pas appliquée. La loi Avia démontre encore une fois qu'il est plus simple de discuter de l'anonymat sur Internet pour se faire mousser que de faire appliquer les textes déjà existants.
La preuve: en octobre 2012, des messages antisémites sont massivement publiés sur Twitter. Malgré les demandes pressantes de nombreuses associations de communiquer les données permettant d'identifier les auteur.es, Twitter refuse en se retranchant derrière l'argument qu'il n'est pas soumis à la loi française. Du coup, pas de poursuites. C'est l'indignation massive du public qui fera plier Twitter qui finira par retirer les messages antisémites.
Contrairement aux américains, nous autres européens percevons ces messages de haine comme des atteintes à l'ordre publique et à l'intégrité physique. Par ailleurs, les grands groupes comme Twitter, Facebook, Google et autres, disposent d'un quasi-monopole sur les médias numériques et leur puissance financière est telle qu'elle leur permet d'imposer leurs visions juridiques aux Etats. Ce que craignent par dessus tout ces grandes entreprises, ce ne sont pas le juge ou la peine encourue, c'est le bad buzz, c'est à dire l'atteinte à leur réputation. N'oublions jamais qu'Internet nous a donné ce pouvoir que nous pouvons et devons exercer.
Haine sur Internet: ressources sur le sujet
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