C'est sans doute une faille dans le système nord-coréen qui est à l'origine d'une découverte assez étonnante : seuls 28 sites web sont enregistrés en Corée du Nord, pays pourtant peuplé de 25 millions d'habitants. En effet, le 19 septembre 2016, l’administration nord-coréenne a accidentellement (ou pas) laissé l’un de ses serveurs répondre automatiquement aux demandes d’informations sur les noms de domaines enregistrés en .kp. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le web nord-coréen a bien un visage.
C'est à Matthew Bryant, ingénieur en sécurité informatique, que l'on doit cette découverte étonnante. Il a tout simplement profité d'une faille temporaire de l'Internet nord-coréen pour récupérer la liste des noms de domaine .kp qu'il a ensuite diffusé sur GitHub.
Pour être tout à fait honnête, la Corée du Nord possède d'autres sites Web que ceux répertorités par Bryant mais ils ne sont pas hébergés au pays.
L'histoire du web nord-coréen
Opérant depuis fin 2009, Star Joint Venture Co. est l'unique fournisseur d'accès à Internet en Corée du Nord. Cette société est une joint-venture entre le gouvernement nord-coréen et Loxley Pacific, une société thailandaise. Avant cela, l'accès était uniquement possible via un satellite relié à l'Allemagne ou via le réseau de China Unicom (réservé à quelques priviligiés du régime, ça va de soi). Aujourd'hui, la quasi totalité du trafic Internet de la Corée du Nord est acheminé via la Chine.
En octobre 2010, le site de l'agence centrale de presse nord-coréene (KCNA, Korean Central News Agency, 조선중앙통신) est mis en ligne sur un serveur nord-coréen et accessible depuis une adresse IP locale avec le nom de domaine http://www.kcna.kp/. Ce sera la première connexion connue du pays avec le réseau Internet.
Depuis février 2013, les étrangers visitant le pays peuvent avoir accès à Internet en utilisant des téléphones 3G fournis par Koryolink, le seul fournisseur de téléphonie mobile du pays.
En 2014, la Corée du nord possédait officiellement une série de 1 024 adresses de type IPv4 : 175.45.176.0 à 175.45.179.255
La liste complète des noms de domaine par adresse IP coréenne est disponible ici : http://ipv4info.com/domains-in-block/sc6aaba/175.45.176.0-175.45.179.255.html.
En raison du très faible accès à Internet depuis la Corée du nord, ces adresses IP ont été allouées de manière très parcimonieuse. Par exemple, L'Université des Sciences et Technologies de Pyongyang possédait en 2012 une seule adresse IP ayant accès à l'Internet mondial.
Depuis avril 2016, la Corée du Nord bloque Facebook, YouTube, Twitter ainsi que les sites sud-coréens en raison de sa préoccupation avec la diffusion de l'information en ligne.
L'accès au Web en Corée du Nord
Naturellement, la permission de pouvoir accèder à Internet est strictement contrôlée et accordée au compte-goute par le régime. D'après les statistiques de la Banque mondiale et celles de l’Union internationale des télécommunications, la Corée du Nord est le pays le moins connecté au monde. Au-delà du contrôle gouvernemental, l’accès au réseau est aussi rendu compliqué en Corée du Nord à cause des fréquentes coupures d’électricité. Par ailleurs, la connexion est également onéreuse et très lente car le pays est relié par un seul câble à la Chine. On estime que la bande passante du pays est de l'ordre de 2,5 gigabits par seconde (ce qui est vraiment très faible).
Pour accéder à Internet, il faut un ordinateur ou un téléphone qui puisse se connecter au réseau pour surfer. Et en Corée du Nord, la population n'a pas forcément les moyens et la possibilité d'acheter ces équipements. D'ailleurs, Apple, Microsoft ou encore Sony ne sont pas autorisés à distribuer leurs produits dans le pays. Si Koryolink revendiquait à peu près 3 millions d'abonnés à la téléphonie mobile en 2015, la possession d’un ordinateur nécessite d'obtenir une autorisation officielle. Et la seule marque autorisée est Achim Panda, une compagnie publique (associée à un partenaire chinois) qui produit quelques milliers d’ordinateurs par an. Ces ordinateurs sont équipés d'un système d'exploitation "maison" appelé Red Star.
Système d'exploitation nord coréen Red Star
Source : Wikipedia
Cependant, posséder un appareil ne suffit pas en Corée du Nord à être connecté au World Wide Web, tel que nous le connaissons. A part les proches du Grand Leader (une douzaine de familles, tout au plus), seuls quelques universitaires et quelques dignitaires du régime ont accès à Internet, tel que nous le connaissons. La capitale Pyongyong ne compterait que quelques cyber-cafés.
La majorité de la population nord-coréenne a accès à Kwangmyong, une sorte d'intranet fonctionnant en circuit fermé (et ultra contrôlé) qui comprend un service de messagerie électronique, des groupes de discussion et un moteur de recherche. De ce fait, on estime qu'une majorité de la population n'a même pas connaissance d'internet tel que nous le connaissons.
A quoi ressemble le web nord coréen ?
En septembre 2007, le domaine .kp de premier niveau a été créé. Il contient les sites Web reliés au gouvernement nord-coréen. Il existerait aujourd'hui 28 sites Web qui sont gérés directement par le gouvernement. A noter que les services de renseignement sud-coréens ont identifié 43 sites pro-nord coréens qui sont hébergés à l'extérieur du pays.
En dehors des sites de propagande gouvernementale, il existe de nombreux sites Web liés à l'activité commerciale du pays.
En 2002, les Nord-Coréens ont lancé un site de jeu en ligne visant les internautes sud-coréens, pays où le jeu en ligne est illégal. Le site a été fermé en 2007.
Le 31 décembre 2007, la Corée du Nord a mis en ligne sa première boutique appelée Chollima (en collaboration avec un partenaire chinois). Le site a été fermé en 2010.
Le site de la compagnie aérienne nationale Air Koryo a été mis en ligne à l'adresse http://airkoryo-dprk.com et était hébergé à Singapour avant de basculer sur un serveur nord-coréen sous le domaine http://www.airkoryo.com.kp.
En raison de la censure et de la quasi impossibilité d'accèder à Internet pour la population, la Corée du nord a été déclaré pays «ennemi d'internet» en 2011 par Reporters sans frontières.
Principaux sites Web hébergés en Corée du Nord
Site | Nom | Description |
---|---|---|
Korea Central News Agency | Site de l'agence de presse centrale de Corée du nord. En plus du coréen, le site est également disponible en anglais, en chinois, en japonais et en espagnol. | |
Naenara | Un des deux site Web officiels de la Corée du Nord, (avec www.korea-dpr.com). Disponible en coréen, anglais, français, allemand, espagnol, russe, chinois, japonais et en arabe. | |
Rodong Sinmun | Le quotidien Rodong Sinmun (Journal des Travailleurs) est l'organe officiel du Parti du travail de Corée du nord. Le site est disponible en coréen, en anglais et en chinois. | |
Voice of Korea | La Voix de la Corée est le service de radiodiffusion internationale de la Corée du Nord. Le site est affichable en 9 langues différentes, dont le français. | |
Great National Unity | Site Web de la station de radio coréenne basée à Pyongyang destinée aux auditeurs situés en Corée du Sud, au Japon et en Chine. | |
Air Koryo | Site Web officiel de la compagnie aérienne nationale Air Kyoro. Le site est disponible en chinois, en japonais et en anglais. | |
Korea National Insurance Corporation | Le site de la compagnie d'assurance publique de la RPDC. Le site donne des informations financières sur l'entreprise ainsi que des options de contact. Disponible en anglais. | |
Association coréenne des cuisiniers | Site de recettes de cuisine locales, une sorte de marmiton à la sauce nord coréenne avec des notations sur les restaurants du pays. Disponible uniquement en coréen, par contre. | |
Friend | Site officiel du Comité des relations culturelles avec les pays étrangers. Les pages du site sont disponibles en coréen, en anglais et en espagnol. | |
Korea Education Fund | Le KEF «coordonne et accroît le soutien financier et matériel à l'éducation au niveau non gouvernemental. Le site Web est disponible en coréen et en anglais. | |
Korea Elderly Care Fund | Organisation non gouvernementale à but non lucratif qui vise à soutenir les personnes âgées. Les pages sont disponibles en anglais et en coréen. |
Observations
- Tous ces sites sont hébergés en Corée du Nord et sont inaccessibles pour les internautes sud-coréens.
- Il faut parfois savoir faire preuve de patience pour voir s'afficher un site Web nord-coréen...
- Attention, impossible d'afficher le moindre site en passant par un VPN (le serveur l'identifiait avec une adresse IP américaine).
- Vous noterez que, sur tous les sites officiels, le nom du Suprême Leader est écrit un peu plus grand et en gras que le reste du texte...
- Vous ne trouverez pas de Responsive Design, de HTTPS ou d'AMP mais encore du Flash sur certains sites...
- Vous ne trouverez pas non plus d'informations au sujet de Ri Sol-ju, l'épouse du Suprême Leader.
L'activité web en Corée du Nord
L'agence sud-coréenne No Cut News a affirmé que le gouvernement nord-coréen formait des pirates informatiques à l'université de Technologie Kim Chaek et à l'université Kim Il Sung. Selon les estimations du ministère sud-coréen de la Défense à partir de la fin 2004, la Corée du Nord avait déjà formé au moins 600 pirates informatiques. Un groupe de pirates nord-coréens basés à Shenyang, en Chine, ont développé et vendu des programmes qui permettaient aux joueurs de Lineage de gagner de l'expérience et de l'argent dans le jeu automatiquement. Une citoyenne de Corée du Sud a même été arrêté en mai 2011 pour avoir acheter l'un de ces programmes.
la Corée du Nord fut accusé par les Etats-Unis d'avoir lancé une attaque de hack sur Sony Pictures Entertainment, le 24 novembre 2014, entrainant une perte massive de données pour l'entreprise. L'attaque a été revendiquée par le groupe "Guardian of Peace" et reste encore à ce jour, l'une des plus importante jamais subie par une entreprise aux États-Unis.
Il existe malgré tout un domaine où les Nord-Coréens tentent de percer de manière plus légale et non sans un certain succès : le développement de jeux vidéos et l'animation. En 2012, un groupe d'étudiants de l'Université de Technologie Kim Chaek a travaillé avec Nosotek et Koryo Tours (une agende de voyage chinoise spécialisée sur la Corée du nord) pour créer un jeu vidéo de course de voiture dans les rues de la capitale intitulé Pyongyang Racer dont le but est de favoriser le tourisme.
En outre, il faut savoir que de grands studios externalisent parfois leur travail d'animation en Corée du Nord.
Conclusion
A ses débuts, Internet ressemblait à une patate chaude pour les dirigeants nord-coréens. Ils comprennent son importance stratégique mais ne sachant pas comment gérer les dangers politiques intérieurs que représentent l'accès au réseau, ils ont préféré opter pour une politique très conservatrice et sécuritaire.
L'isolement dans lequel est placé le pays par les dirigeants et par la Communauté internationale ne favorise pas le développement du Web et de la société nord-coréenne. Pourtant, cela permet au régime de Kim Jung Un de diffuser sa propagande à l'étranger et d'offrir au monde extérieur une vision sur son pays jusqu'ici inconnue.
Crédit header: https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Flag_of_North_Korean_leaders.svg
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